Depuis le mois de novembre et jusqu’au 9 février prochain, le Pavillon Populaire de Montpellier consacre une rétrospective d’envergure à la photographe Gisèle Freund. L’exposition intitulée « Une écriture du regard » présente une partie souvent ignorée de son œuvre en se concentrant sur son travail documentaire et son engagement politique.
Photographe franco-allemande d’origine juive, Gisèle Freund (1908-2000) a marqué l’histoire de la photographie par son regard humaniste et son approche novatrice du portrait. Elle doit son goût pour la photographie à son père, Julius Freund, qui lui a fait découvrir les œuvres du photographe allemand Karl Blossfeldt et lui a offert son premier Leica à l’adolescence. Gisèle Freund a étudié la sociologie à Francfort avec Norbert Elias et rédigé une thèse sur La Photographie en France au XIXe siècle qui sera considérée comme une des premières portant sur la sociologie de l’image. En 1933, la jeune photographe fuit l’Allemagne nazie pour se réfugier en France où elle achève ses études et oriente son travail photographique vers la représentation des individus et des sociétés. Elle est notamment l’auteure de portraits emblématiques d’écrivains, d’artistes et de penseurs de son époque, parmi lesquels Virginia Woolf, James Joyce, Colette, André Malraux ou Frida Kahlo, et s’est démarquée dès 1938 par l’utilisation de pellicules couleur Agfacolor avec lesquelles elle réalise notamment les portraits d’Henri Michaux et de Susana Soca, écrivaine et éditrice. Sa capacité à saisir l’âme de ses modèles tout en reflétant leur environnement social et culturel a redéfini les codes du portrait photographique.
Une photographe engagée
Si Gisèle Freund s’est rendue célèbre par ses portraits, on oublie souvent de mentionner qu’elle a surtout consacré une partie importante de son travail à documenter les inégalités sociales, les mouvements ouvriers et les bouleversements politiques de son époque. Ce travail débute dans l’Allemagne des années 1930, où elle photographie des manifestations ouvrières et la vie des classes populaires, et se poursuit après son exil en France où elle documente le Front populaire. Pendant la seconde guerre mondiale, Gisèle Freund va également se rendre en Argentine où elle rencontre Frida Kahlo et Diego Rivera avant de se réfugier en Uruguay suite à la publication dans Life d’un reportage sur la vie de luxe menée par Eva Perón. En 1954, son engagement politique très marqué à gauche la contraindra d’ailleurs à quitter l’agence Magnum qu’elle avait rejoint en 1947. Son approche singulière de la photographie, axée sur la couleur, les portraits et les préoccupations sociopolitiques, ne s’inscrivait pas pleinement dans la vision collective de l’agence créée notamment par Henri Cartier-Bresson avec lequel son différend était, semble-t-il, le plus fort.
150 photographies et documents
Jusqu’au 9 février, l’exposition Gisèle Freund, une écriture du regard qui se tient au Pavillon Populaire de Montpellier propose de découvrir plus de 150 photographies et documents issus des archives de la photographe conservées à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine à travers un parcours thématique centré sur l’engagement politique et l’attachement à la sociologie de cette femme qui croyait fermement en la photographie comme un moyen de témoigner, de sensibiliser et de lutter contre les injustices.
Un héritage auquel les élèves de l’école EFET Photo sont également sensibilisés lors de leurs cours d’analyse d’image et d’histoire de la photographie afin d’enrichir leur regard et d’affiner leur pratique, contribuant ainsi à former une nouvelle génération de photographes inspirés par l’héritage des grands maîtres.