Alors qu’on la pensait à l’agonie, la photographie argentique vit un véritable retour en grâce auprès des photographes qui apprécient sa temporalité, son rendu spécifique et son caractère expérimentale. Parmi ses possibilités existe celle du traitement croisé qui consiste à développer un film couleur dans une chimie qui ne lui était initialement pas destinée.
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Une fois insérée dans un appareil photo et exposée à la lumière, une pellicule photo argentique doit être développée dans des bains chimiques pour révéler ses images. Du film utilisé dépend la composition des bains et la séquence de traitement adaptées. Le développement noir et blanc a pour mission de transformer les halogénures d’argent du film insolés par la lumière en argent métallique opaque quand les bains chimiques des films couleurs font apparaître des colorants jaune, magenta et cyans présents dans les différentes couches de l’émulsion de la pellicule. Pour prendre des photos en couleur, il faut donc impérativement charger un film couleur dans son appareil photo. Le fait qu’après développement l’image soit négative ou positive vient en revanche du traitement chimique qui est appliqué.
C41, le développement négatif couleur
Les séquences de développement des films couleur sont standardisées et conviennent à toutes les marques et sensibilités d’émulsions. Le traitement des négatifs couleur s’appelle C41. Il se compose de trois bains actifs : le révélateur chromogène, le blanchiment et le fixateur. Dans le premier bain, les halogénures d’argent exposés à la lumière sont réduits en argent métallique et les coupleurs de colorants de chacune des couches de l’émulsion sont transformés en colorants jaune, magenta ou cyan.
Là où le film a reçu de la lumière se forme donc de la matière colorée dans des proportions relatives à la quantité de lumière reçue. Le blanchiment oxyde ensuite l’argent métallique pour qu’il reprenne sa forme d’ion Ag+ et le fixateur se charge de les rendre solubles pour les éliminer de l’émulsion. Après traitement, le film ne contient donc plus aucun argent mais uniquement des colorants dans les zones exposées à la lumière. L’image est donc bien négative.
E6, le développement positif
Le traitement des films inversibles, également appelés diapositives, porte le nom de traitement E6. Il comporte des étapes préliminaires au traitement C41 avec tout d’abord un 1er révélateur et un bain d’inversion. Dans ce premier bain, les halogénures d’argent exposés à la prise de vue sont transformés en argent métalliques mais les coupleurs de colorants restent dans leur forme initiale incolore. Il agit donc comme un révélateur noir et blanc.
L’inversion qui suit consiste en un bain chimique agissant comme une réexposition du film : tous les halogénures qui n’ont pas été réduit dans le premier révélateur sont exposés et donc légèrement modifiés de manière à ce que le bain suivant, le révélateur chromogène, agisse dans ces zones. Se forment alors des colorants uniquement dans ces zones « exposées » à l’inversion qui ne l’avaient pas été après la prise de vue.
Le blanchiment et le fixateur agissent ensuite comme en C41, oxydant tout l’argent métallique pour qu’il soit éliminé du film de sorte qu’il ne reste après traitement que des colorants. Les deux premiers bains ayant pour effet d’inverser l’image, le traitement E6 a créé des colorants dans les zones non exposées à la prise de vue. L’image finale est donc positive.
Le traitement croisé
Réaliser un traitement croisé consiste à développer un film négatif couleur initialement conçu pour être développé en C41 selon un traitement E6 ou à développer un film diapositif dans un traitement C41. Le film négatif couleur développé en E6 montrera des images positives mais conservera son support jaune-orangé et le film diapositif développé en C41 présentera des images négatives, mais sans support jaune-orangé. Dans les deux cas, il est possible de réaliser des tirages ou des scans des images pour éliminer le voile jaune-orangé ou basculer l’image en positif. Dans les deux cas, le traitement croisé a pour effet des bascules de couleurs qui varient de manière très importante d’un type de film à l’autre donnant un rendu très singulier aux images.
Tous les cursus proposés par l’EFET Photographie abordent la photographie argentique et numérique d’un point de vue théorique et pratique. À la fin de leurs formations, les élèves possèdent ainsi tous les savoirs nécessaires à leur activité de photographe.